1262
- Fin XIIIe-XIVe s. - 1430 - XVe
s. - XVIe s. - Conclusion
Les modifications de 1430
Heinrich von Hohenstein, vidame de l'évêque de Srasbourg et
propriétaire peu après 1424 du château de Kagenfels (voir historique), y entreprend vers 1430 des travaux
importants. Il apparaît en effet au regard des textes d'archives que les travaux entrepris étaient ambitieux, car ils ont nécessité
la construction d'une scierie à proximité et la coupe très controversée de bois de construction dans des forêts
revendiquées par la ville d'Obernai. Les récents sondages et les observations de surface permettent d'identifier plusieurs constructions
nouvelles pour le second quart du XVème s.
Des fausses-braies flanquées de deux tours, face au plateau à l'Est
Une enceinte flanquée de deux tours polygonales est tout d'abord implantée
à l'Est face à l'attaque vers 1430. Probablement peu élevée, elle s'inscrit en bordure de l'entaille du fossé
(murs F1-F2). Bâtie en moellons de granit, elle est
épaisse de 80 cm en partie haute et présente un empattement à sa base. Elle est remblayée de terre de manière à
absorber efficacement les coups de l'artillerie de siège et protéger la base de l'enceinte haute. Cette unité défensive se terminait
au Nord par un mur (F3) reliant le flanc Nord de la tour pentagonale (TE) à l'enceinte haute préexistante (E7), mur partiellement exhumé
dans un sondage. Celui-ci a été dérasé par la suite, lors de l'extension de l'enceinte supérieure au Sud-Est a
été détecté (murs F4-F5)
inscrit sur les blocs rocheux escarpés visibles à l'Ouest de cette tour ruinée. Les seuils conservés des portes d'entrée dans
les deux tours correspondent à un niveau surélevé du remblai des fausses-braies, c'est-à-dire qu'ils sont postérieurs à
la création de l'enceinte et des tours. La gorge de la tour carrée Sud a ainsi été murée (10) pour permettre ce rehaussement du remblai.
On observe plusieurs redents sur le bord du fossé face aux deux tours polygonales
qui semblent correspondre à cette campagne de construction, la pierre débitée ici étant à portée directe des engins de
levage. Ces excavations ont généré des déblais qui ont été évacués par roulement aux deux
extrémités du fossé, formant le petit cône D au Sud et augmentant le
cône B au Nord.
Tour de flanquement pentagonale
Les deux tours de flanquement ont été implantées simultanément
à la fausse-braie comme le montrent les raccords de maçonneries. La tour carrée Sud très ruinée est peu lisible,
contrairement à la tour pentagonale Est bien conservée dans son élévation malgré sa ruine partielle survenue en 1968, et
richement documentée par une iconographie abondante. Toutes deux sont réalisées en moellons de granit grossièrement assisés
et possèdent des chaînages d'angles en grès à bossages. Aucun fragment de tuile plate n'a été à ce jour
relevé dans leur maçonnerie, leur réalisation étant probablement de peu antérieure à la construction de la toiture du
logis autour de 1430 et à la livraison de ces tuiles alors modernes sur le chantier du Kagenfels.
La tour pentagonale comprenait au minimun quatre niveaux, que nous nommerons 1 à 4 de bas
en haut. L'entrée s'effectuait au niveau 3 depuis les fausses-braies, un escalier partiellement conservé descendant dans la tour. Elle
était voûtée sur plusieurs niveaux, l'arrachement de voûte étant encore visible au niveau 3. La voûte du niveau 2 se
serait effrondée dans les années 1930. Le niveau supérieur (niv. 4) a presque entièrement disparu, mais est attesté par
l'iconographie du XIXème s. Le niveau inférieur est en cours d'enfouissement. Une hauteur de murs de plus de 5 m est enfouie à ce jour au
niveau de l'arête axiale, ce qui n'exclut pas l'hypothèse de l'existence d'un niveau supplémentaire au-dessous du niveau 1 visible au ras
du sol actuel. La tour était couverte de tuiles canal, avec une forte pente de toiture supposée d'après le dispositif de pose
renforcé observé sur des tuiles retrouvées au sol. De nombreuses tuiles couvre-joints sont ainsi percées d'un trou de section
carrée réalisé avant la cuisson. Ces orifices sont destinés à permettre l'insertion de clous en travers des tuiles de
recouvrement pour éviter leur glissement en cas de décollement du mortier les scellant sur les tuiles canal inférieures.
Cette tour comportait de multiples meurtrières pour armes à feu relativement
primitives, qui remonteraient toutes aux environs de 1430. Toutes les embrasures relevées sur cette tour, qui sont au nombre de 8 encore partiellement
conservées ou connues par des éléments d'encadrement brisés retrouvés au sol, étaient de plan triangulaire convergeant
vers l'extérieur, ce qui caractérise généralement des meurtrières de XVème s. s'apparentant à des
couleuvrinières. Deux bouches à feu en "trou de serrure" étaient ainsi présentes sur les flancs du niveau 3, les autres
meurtrières étant de typologie difficile à dater a priori, mais s'inscrivant toutes dans une unique phase de de construction. Les
meurtrières cruciformes des deux faces du niveau 2 semblent directement inspirées de celle en granit qui existait sur le donjon du XIIIème
s. Les deux larges fentes de tir verticales des faces du niveau inférieur remploient des éléments de fenêtres rectangulaires dont les
ébrasements ont été modifiés pour optimiser le tir défensif. Deux étroites fentes verticales assumaient le double
rôle de meurtrières et de fentes d'éclairage au niveaux 2 et 3. Le niveau supérieur intégralement ruiné comprenait
nécessairement des postes de tir flanquant les fausses-braies non couvertes par les huit meurtrières relevées.
Une nouvelle configuration défensive à l'Ouest
A l'opposé, sur le flanc Ouest du château, des transformations importantes
ont également affecté le château dans le second quart du XVème s. L'enceinte haute a alors connu une modification de son tracé
et une reconstruction partielle.
Une enceinte jusqu'alors inconnue a été exhumée lors des sondages
à l'Ouest, dont la maçonnerie de moellons est comparable à celle des ouvrages défendant le fossé Est. Elle consiste en deux
segments de murs F6-F7 formant un angle. Le mur
F6 repose à son extrémité Sud sur le mur
E11 préexistant. Il semblerait que ce mur E11 ait été rebâti (ou surbâti)
au XVème s. par le mur F7 au constat de l'appareil de petits moellons exhumé dans une
tranchée réalisée au milieu de ce mur. Ces murs soutiennent une petite cour située en contrebas de la façade
d'entrée du logis, depuis laquelle devait se faire l'accès à la tour palière au moyen d'une rampe maçonnée ou
d'escaliers en bois. Il existe en effet un dénivelé de plus de cinq mètres à franchir depuis le sol de cette cour jusqu'au seuil de
la porte ogivale du logis. L'extrémité Nord du mur F6 reste inconnue, cette enceinte ayant fait
l'objet de modifications ultérieures. L'entrée du château se faisait de toute évidence sur la pente Nord-Ouest au début du
XVème s. et ceci depuis l'origine du château probablement, car elle était seule accessible depuis le fossé.
Une petite tour de flanquement à l'Ouest
Une petite tour en forme de fer à cheval (TU) flanque l'enceinte F6, les raccords de maçonneries relevés indiquant
une simultanéité de réalisation. Celle-ci est nettement plus petite que les deux tours situées sur le fossé à l'Est.
Elle s'inscrit sur une étroite arête rocheuse et ne possédait qu'une faible hauteur au vu du volume de ses élévations
ruinées gisant au sol. La pente Ouest abrupte offrant ici une configuration défensive favorable ne nécessitait que la mise en oeuvre de
quelques postes de tirs flanquants et plongeants. Le socle rocheux a été localement apprêté pour recevoir les maçonneries, par
la réalisation de replats à la pointe. Le mur périphérique épais d'environ 1 m habille le rocher, son appareil de moellons
alternant grands blocs et petits moellons accusant une mise en oeuvre moins soignée que sur les deux tours de flanquement Est et Sud. Un fragment de
tuile plate ogivale ayant ici été retrouvé inclus dans le blocage, cette tour serait de peu postérieure aux deux tours Est qui n'en
contiennent pas encore.
Un bloc de granit portant le blason des Hohenstein a été exhumé dans
les débris situés directement au pied du mur, au niveau de son arrachement Ouest. La gravure est maladroite mais soignée malgré la
dureté de la pierre. Compte tenu de l'emplacement de la découverte, il proviendrait du parement de cette tour, apportant un élément
de datation essentiel pour la chronologie relative des différentes enceintes. Cet élément a été réinséré
en 2002 dans le mur restauré et partiellement restitué de la tour.
Celle-ci a connu différentes phases d'affectation, sa dernière configuration
étant celle d'une tour non couverte comme l'attestent l'absence de tuiles constatée de tous les côtés et la très petite
quantité de clous excluant une couverture en bois. Dans cette ultime état, plusieurs ouvertures existaient sur sa périphérie, dont
les éléments d'encadrement ont été exhumés au pied du mur. Deux linteaux et deux appuis provenant de fentes mixtes de tir
et d'éclairage rectangulaires ont ainsi été retrouvés, sans qu'aucun montant de grès ne les accompagne. Ceux-ci
étaient probablement réalisés en maçonnerie de moellons enduite. Ces ouvertures (inv. MU et MV) possédaient un double ébrasement externe et interne,
avec une feuillure d'encastrement de volet interne. L'une des deux présentait un barreau de fermeture vertical. Elles sont comparables dans leur
configuration aux deux fentes du niveau inférieur de la tour pentagonale. Un dispositif de tir original pour armes à feu, avec orifice de tir
circulaire et fente de visée verticale séparés, proviendrait également de cette tour (inv. MW). Son tir légèremennt désaxé vers la droite aurait permis d'assurer le flanquement de la seconde porte
(PB). Il peut provenir cependant aussi du mur G1 au vu de
la répartition de ses éléments, et serait alors plus tardif (2e moitié du XVème/XVIème s.).
Une phase d'occupation antérieure correspondrait à l'usage d'une table
à feu découverte à l'intérieur de la tour. Cet élément maçonné repose sur le sol de remblai comblant les
irrégularités du rocher d'assise. Sa base est réalisée en moellons liés, sur lesquels ont été assisés
des briques rectangulaires réalisant la périphérie d'une maçonnerie de blocage. Un muret épais de 50 cm vient fermer la gorge
de la tour, au Nord duquel est ménagé un passage d'entrée. A l'intérieur de cette mince maçonnerie était
réservée une petite ouverture qui aurait été l'évent de la table à feu présumée. Cet orifice a
été bouché par la suite lors de sa désaffection par un empilement lié de fragments de tuiles plates ogivales. Il est donc
probable que dans un premier temps cette tour ait été couverte, lorsqu'elle abritait une activité faisant usage de feu. Les deux tours Est,
contemporaines, étaient alors également couvertes de tuiles creuses. Aucune couche de charbon de bois ni scories ou rebuts de fabrications
d'aucune nature n'ont été relevés à proximité de cette table à feu (forge ?) dans la limite des prospections
réalisées.
Une tour palière en défense de l'entrée du logis
La porte du logis est défendue par une tour palière
(TP), dispositif de barbacane accolée similaire à ceux conservés et restaurés au
Birkenfels ou à l'Ortenbourg. Il s'agit d'une tour creuse polygonale aujourd'hui partiellement ruinée, qui devait à l'origine masquer la
porte ogivale sur toute sa hauteur, des postes de tirs étant percés dans le parapet périphérique à l'Ortenbourg. Elle est
actuellement comblée par les débris du logis et en partie enfouie. Les fouilles superficielles ont montré un parement interne
grossièrement semi-circulaire.
L'appareil relevé hors sol montre des disparités intéressantes. Les
aprements sont en majorité constitués de moellons de granit similaires à ceux relevés sur les autres ouvrages défensifs
du XVème s. Cependant, la partie arrondie au Nord de cette tour présente plusieurs assises irrégulières constituées de blocs
cubiques, apparemment prélevés sur des parties anciennes du château (Mur E10
démonté ?). Il est probable que l'accès au logis se faisait au Sud de cette porte. Le mur Nord du logis (L5), aveugle à l'étage de l'entrée, ne se prêtait par ailleurs pas à une défense active de la
porte. Un plancher escamotable situé devant le seuil d'entrée aurait permis de condamner l'accès à la porte en cas d'attaque.
L'intérêt de ce dispositif de tour creuse était d'empêcher la pose d'échelles d'assaut au-devant de la porte, le parapet
périphérique empêchant quant à lui le maniement du bélier.
Un sondage réalisé sur le flanc Nord de cet ouvrage défensif a permis
la découverte de deux nouvelles portes. La première (PD) est imbriquée dans le mur Nord
de la tour, un montant de son encadrement de granit et de grès étant conservé en élévation jusqu'au sommier de l'arc.
Celui-ci possède un chanfrein externe avec congé à la base, le montant Nord de la porte venat quant à lui s'imbriquer dans le mur
d'enceinte E10 aujourd'hui arraché. La crapaudine est ménagée dans le parement de la tour
qui semble contemporaine de la porte au regard de l'appareil périphérique. Le seuil d'entrée est constitué d'une unique dalle de
grès habillant la totalité du passage. Dans la limite de l'étroite tranchée de sondage est apparu un beau dallage de granit,
soigneusement réalisé avec des blocs de grandes dimensions pratiquement jointifs. Du montant Nord de la porte ne subsiste que le bloc
inférieur en granit, qui est implanté par-dessus la grande dalle de grès du seuil. Une tuile plate ogivale servant de cale entre ces deux
blocs permet de resituer ces travaux pendant ou après la reconstruction du logis et sa probable surélévation. Un mur de cloisonnement
surmontait la porte, dont l'arrachement est encore visible sur la tour. A l'intérieur, subsiste le sytème de verrou à fléau
basculant selon un axe vertical.
Modification de la tour palière
Une seconde ouverture (PE) a
été percée a posteriori dans le flanc Nord de la tour palière. Il s'agit d'une petite embrasure r&ecute;alisée en maçonnerie
de briques et de moellons venant habiller un arrachement pratiqué dans le mur. Plusieurs fragments de tuiles plates ogivales sont inclus dans ses parois.
Celle-ci était couverte d'une voûte composée de briques rectangulaires retrouvées en grande quantité sur l'ensemble du site,
et utilisées habituellement comme revêtements de sol. Il ne s'agit pas ici d'une porte destinée au passage de personnes, un appui haut de 36
cm subsistant au sol à la base de l'embrasure, épargné dans le mur préexistant. La voûte est par ailleurs trop basse pour
permettre le passage des personnes. Cette petite ouverture était a fortiori masquée par le battant de la porte précédente
(PD) lorsque celle-ci était ouverte. Une feuillure périphérique maçonnée
externe correspond à l'ancrage d'une huisserie dormante, sur laquelle s'articulait une porte. Celle-ci donnait accès à l'intérieur de
la tour, qui pouvait servir de lieu de stockage. La configuration relevée pourrait correspondre à l'accès d'une citerne
aménagée à l'intérieur de la tour palière. La proposition de restitution du shéma d'évacuation et de collecte
des eaux pluviales permettrait en effet précisement de stocker au pied de l'angle Nord-Ouest du logis les eaux recueillies en toiture.
Il semblerait donc que les modifications apportées à l'Ouest dans le
shéma défensif du château autour de 1430 aient amené la suppression d'une portion du tracé de l'enceinte primitive, qui a
laissé place à une nouvelle enceinte à l'intérieur de laquelle la tour palière vient créer une ultime ligne
défensive. Celle-ci aurait par la suite été modifiée pour devenir peut-être une citerne. Les dispositifs de tours
palières de l'Ortenbourg et du Birkenfels ont été datés des années 1420-1430, ce qui correspondrait avec l'inscription de
celle du Kagenfels dans la campagne des travaux des années 1430.
Une surélévation du logis au XVème siècle
Plusieurs éléments semblent attester d'une surélévation du
logis, probablement dès le second quart du XVème s. Des fragments de boulets de canons en grès de grand diamètre (26 cm), ont
été retrouvés dans les débris superficiels, sur les pentes Nord et Ouest. Tous sont tachés de mortier, car ils ont
été noyés dans du blocage de maçonnerie, et plusieurs d'entre eux proviennent de manière certaine du logis. Des
reconstructions ont donc affecté le logis après les multiples sièges connus (en 1383, 1390, 1397 et 1424). Il pourrait a priori ne
s'agir que de réparations ponctuelles, mais la répartition et le nombre des fragments de boulets exhumés (six à ce jour) semblent
cependant plaider pour un apport conséquent de maçonnerie qui indiquerait plutôt une surélévation. Il était facile en
effet de gagner un étage d'habitation en modifiant le couronnement supposé du XIIIème s. Il suffisait pour cela de transformer les
créneaux en fenêtres, et de rehausser l'ensemble d'un demi-mètre. La charpente elle-même aurait été modifiée
pour adopter une configuration plus pentue, abritant deux ou trois niveaux de combles. La place était en effet comptée dans l'étroit logis
de 1262. Cettte hypothèse d'une surélévation est confortée par l'observation du schéma d'évacuation des eaux pluviales
tel qu'il se présentait au moment de la ruine du château, qui apporte des données essentielles sur les élévations disparues du
logis.
Description et datation de l'ultime couverture du logis
La découverte au sol à l'extérieur du logis de très nombreux
fragments de tuiles ayant glissé lors de la ruine de la toiture indique clairement que les créneaux étaient situés directement au
droit des murs et non pas en retrait derrière un parapet. Le logis était couvert dans son dernier état de tuiles plates ogivales. Celles-ci
présentent un double système d'attache : un ergot façonné sous l'extrémité supérieure est destiné à
retenir la tuile en traction sur le lattis. De nombreuses tuiles présentent par ailleurs des perforations réalisées après cuisson,
en contrebas ou à côté de l'ergot, destinées à renforcer la pose par addition d'un clou fiché dans le lattis. Certaines
tuiles comportent deux trous. Ce double mode d'accrochage suppose une forte pente de toiture, caractéristique des surélévations des
XVème et XVIème s. De rares fragments de larges tuiles plates ogivales sont recouverts d'une glaçure verte. Un fragment comporte des
coulures de glaçure jaune ; il s'agit probablement d'un accident de fabrication, la glaçure ayant coulé sur des tuiles courantes. Quelques
fragments de tuiles creuses correspondent probablement aux arêtiers. Les tuiles plates ogivales existent dès le XVème s. en Alsace, leur
usage dans les châteaux de montagne étant généralement postérieur à 1450.
Il est fort probable que les travaux n'aient concerné le logis du Kagenfels
qu'après l'achèvement partiel des travaux de fortifications à proprement parler, qui pourraient être ceux évoqués par
les textes d'archives dès 1430. Rien n'indique en effet que le château ait été habitable dès cette date. Les tuiles plates
ogivales ont ainsi pu être livrées sur le chantier bien après la construction des deux tours de flanquement et des enceintes à l'Est,
qui ne comprennent apparemment aucun fragment de tuile plate. Celles-ci sont par contre présentes à l'Ouest dans plusieurs ouvrages
postérieurs à 1430 dont la tourelle en "U" est la tour palière, apportant de précieux éléments de datations
relatives. Il serait probable alors que l'ultime toiture du logis du Kagenfels soit celle de la reconstruction faisant suite à l'incendie de 1408 et au
siège de 1430, durant lesquels d'importants et coûteux remaniements ont été effectués par Heinrich de Hohenstein. Il est
improbable par ailleurs qu'une seconde reconstruction intégrale de toiture ait par la suite affecté le château, les Uttenheim zu Ramstein
ne se lançant probablement plus au XVIème s. dans de telles surélévations après les importants travaux déjà
réalisés par eux pour renforcer les défenses du château.
Description et restitution de l'ultime toiture du logis
De nombreux éléments de cheneaux appartenant au système
d'évacuation des eaux pluviales ont été retrouvés dans les débris. Parmi eux, deux éléments
d'extrémités ont été identifiés qui permettent de proposer une hypothèse de restitution de la toiture. Une
première extrémité de gouttière (inv.CH8) a été
retrouvée en contrebas de l'angle Nord-Ouest du logis, gisant au sol devant le seuil d'entrée de la grande tour d'artillerie TN. Ce bloc de
grès parallélépipédique présente sur sa face supérieure deux canaux orthogonaux. Le canal longitudinal, large de 12 cm,
est fermé à une extrémité et son fond traversé par un orifice correspondant à une descente d'eau. A l'autre
extremité, un étroit conduit au fond légèrement surélevé correspond à un dispositif de trop plein
s'évacuant sur l'extérieur. Perpendiculaire à ce canal longitudinal, une découpe hémicylindrique de 20 cm de diamètre
vient s'embrancher sur ce double système d'évacuation : il s'agit là de l'extrémité de cheneau courant, dont les
éléments ont été retrouvés en de multiples exemplaires sur les pentes.
Une seconde extrémité de gouttière a été
retrouvée en contrebas de l'angle Sud-Ouest du logis gisant hors sol tout en bas du cône de débris. Cet élément
présente à l'une des extrémités le profil courant du cheneau de 20 cm de diamète. Il se prolonge par un élargissement
interprété jadis comme un évier. Du côté opposé à l'embrachement, cette cavité est comblée par une
solide maçonnerie formant une ligne orthogonale au cheneau pénétrant. Cet élément était donc partiellement inclus dans
un mur. Le mode de remplissage partiel observé ne correspond pas à l'obturation d'un hypothétique évier désaffecté
qui serait demeuré inclus dans un mur du logis.
La découverte de ces deux extrémités de gouttières provenant
apparemment des deux angles du mur Ouest du logis signifierait de manière évidente que ce mur n'était pas gouttereau : il ne pouvait alors
que s'agir d'un mur pignon. Cette donnée permet de proposer une restitution de schéma
d'évacuation des eaux, et d'en déduire une possible forme de toiture. Le mur Ouest (L1), qui
est celui de la façade, était surmonté d'un pignon. Parallèle au mur Sud, la courte ligne de faîtage délimitait une
toiture à quatre pans (de base L2 à L5). La
totalité des eaux pluviales était évacuée en un circuit unique, dont le point haut était l'angle Sud-Ouest où
s'implantait l'extrémité close du cheneau. Long d'une trentaine de mètres, le chéneau en légère pente descendante
couronnait les quatre murs gouttereaux pour venir aboucher sur l'embranchement d'extrémité Nord-Ouest
(inv.CH8). L'eau pénétrait alors par la bonde à l'intérieur du logis au
moyen d'un conduit ménagé dans l'épaisseur du mur, pour y être éventuellement stockée dans un réservoir et
distribuée. Un système d'obturation devait permettre depuis l'intérieur du logis de dévier vers l'extérieur (citerne ?)
l'excédent d'eau résultant d'une forte précipitation. L'eau s'engouffrait préférentiellement vers l'intérieur du
logis, la bonde étant située 2 cm plus bas que l'étroit conduit de trop plein. Il est probable au regard des sondages récents que
la tour palière ait été tardivement aménagée en citerne, qui aurait servi à recueillir les eaux captées par le
dispositif décrit précédemment. Il est par ailleurs envisageable que la vingtaine de blocs d'angles lisses en grès découverts
en contrebas du mur L1 proviennent des volées de gradins de ce mur pignon supposé.
Une chapelle en protection de la porte, à l'intérieur du logis
Les prospections réalisées sur les pentes en contrebas de l'entrée
du logis permettent d'affirmer l'existence d'une chapelle à l'intérieur du logis aujourd'hui détruit. Plusieurs éléments
d'architecture caractéristiques ont été trouvés, qui semblent avoir été rejetés sur les pentes Sud et Ouest
lors de fouilles remontant au début du XXème s.
Une quinzaine de fragments de nervures gothiques en grès on été
retrouvés dans les éboulis. Ces éléments présentent un profil étroit large de 14,5 cm seulement, l'arête axiale
étant large de 4,3 cm. Les deux faces incurvées présentent un profil similaire à celui du meneau disparu de la fenêtre
à remplage évoquée ci-dessous. Le rayon de courbure relevé permet de restituer une configuration de voûte d'environ 2,70 m de
rayon, le plan de cette chapelle étant de toute évidence polygonal par rapport au plan du logis. La base d'une nervure présente un
congé en forme d'écu. Plusieurs fragments sont recouverts d'un badigeon de chaux qui porte encore des restes de couleur rouge.
Une petite table en grès de dimensions 64,5 cm x 90,5 cm avec chanfrein sur trois
de ses côtés a été trouvée mêlée aux fragments de nervures. Il s'agit de l'autel de la chapelle, qui
était à l'origine adossé à un mur. Deux corbeaux de grès taillées en facettes proviennent également du
même regroupement de fragments ; il pourrait s'agir des supports des nervures. Deux fragments de remplage en grès d'une grande finesse provenant
d'une fenêtre ogivale ont été retrouvés sur la pente Ouest. Ces deux seuls fragments sont à mettre en comparaison avec les
dizaines d'éléments de fenêtres rectangulaires répertoriés de tous côtés.
Ces quelques éléments se référant à l'architecture
religieuse proviennent de toute évidence de la chapelle castrale. Celle-ci aurait été implantée symboliquement en protection de
porte, ce qui expliquerait la présence du mur de refend (L6) parallèle à la façade
Ouest, implanté contre le mur Sud à l'intérieur du logis. Il s'agirait là d'un mur destiné à assurer aux
différents étages les descentes de charges et poussées de la voûte.
Un petit bâtiment polygonal (TO)
accolé contre le mur Sud du logis appartiendrait également à cette phase de construction. Sa maçonnerie de moellons contient des
fragments de tuiles plates ogivales. Cette petite construction a très probablement possédé des chaînages d'angles en grès
à bossages, 13 blocs similaires à ceux relevés sur les deux tours Est ayant à ce jour été trouvés en contrebas
de part et d'autre du grand rocher Sud. L'accès dans ce bâtiment était improbable depuis le logis, et ne pouvait éventuellement se
faire qu'au niveau des étages, le mur L2 étant aveugle au niveau inférieur. Sa
configuration correspondrait à une petite tour défensive, dont l'accès devait se faire depuis la cour Ouest, par la supposée
volée d'escaliers desservant probablement la tour palière. Les éléments de la haute couleuvrinière
(inv. ME) ont été retrouvés en contrebas, ainsi que plusieurs autres fragments
identiques. Cette petite tour flanquante aurait ainsi fermé la ligne des défenses au Sud. Elle était probablement limitée à
un unique niveau compte tenu de sa situation élevée, laissant ainsi la façade Sud libre pour implanter diverses fenêtres au niveau
des étages du logis, dont celles de la chapelle. Des fragments de tuiles creuses ont été retrouvés au sol directement en contrebas.